On n’en parle pas, et pourtant

Si jamais les chambres de compensation des produits dérivés (CCP) devaient être à la source du prochain accès de fièvre de la crise financière, il ne nous resterait plus qu’à recommander notre âme à dieu ! Tel est le genre de propos sur lequel on peut tomber ces jours-ci dans les colonnes des commentateurs financiers.

À la BCE, qui le demandait avec insistance, le Conseil de l’Europe et le Parlement européen ont décidé de ne pas confier la pleine surveillance et régulation des CCP. L’enjeu était de leur donner un même accès aux guichets de la BCE qu’aux banques, comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni pour celui de la Banque d’Angleterre. Car si les CCP ont pour mission de consolider le système financier en absorbant le risque de défaut d’un intervenant sur le gigantesque marché des produits dérivés, vu ses effets systémiques, il a été abondamment relevé qu’elles concentrent le risque, tout au contraire, sans disposer des moyens d’éviter sa propagation.

En retoquant la BCE, les autorités européennes font un gigantesque pas en arrière en matière de régulation financière. Celle-ci n’a pu qu’abandonner sa demande de modification de ses statuts, qui aurait été nécessaire, et a fait valoir qu’empiéter ainsi sur ses responsabilités représente une atteinte à son indépendance. On ne s’en émouvrait pas si cela ne s’accompagnait pas d’une fragilisation majeure du système financier dans son ensemble.

La période n’est décidément pas propice à la BCE. Comparée à la détermination avec laquelle la Fed tourne casaque en revenant sur ses décisions antérieures, celle-ci est critiquée pour ne pas prendre en compte la faiblesse des perspectives de croissance et d’inflation en Europe. Pour tout dire, après avoir perdu de ses moyens, elle perd de sa crédibilité.

Une autre grande affaire défraie le monde bancaire, celle d’une éventuelle fusion entre la Deutsche Bank et Commerzbank qui est en cours de discussion en Allemagne. Elle soulève de grandes réticences, moins en raison de son coût social élevé – plus de 30.000 emplois sont menacés de disparaitre – mais parce qu’elle serait pour ses opposants l’exemple même d’une décision politique inconséquente, représentant une réponse inappropriée à la crise qui mine la Deutsche Bank. Elle contrarie également les plans favorables à la concentration bancaire européenne, dont le projet est qu’elle soit transfrontalière. Les mégabanques européennes, comme BNP Paribas en est le parfait exemple, s’inscrivent prioritairement dans leur cadre national. Et l’on ne pose plus la question de savoir qui du gouvernement ou de la banque a le pas sur l’autre.

Mais ce n’est pas cet aspect qui est considéré comme gênant, on s’en doute. L’objectif qui est contrarié est de dénouer les liens consanguins entre les banques et les gouvernements, avec pour effet une dépendance accrue de ceux-ci aux marchés.

Avec tout cela, on tourne autour du pot…

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